Revue de presse Gouvernance et politiques publiques | Octobre 2020

Suite des élections parlementaires et nominations pour le Sénat

Le nouveau Sénat au complet

Le nouveau Sénat est désormais au complet. Après l’élection de 200 de ses membres cet été, la liste des 100 sénateurs nommés par le Président Abdel Fatah al-Sissi a finalement été dévoilée quelques jours avant la tenue de la première session de la Chambre Haute, le 18 octobre. Parmi eux, 19 anciens officiers de police et militaires, 12 chefs de partis, 6 représentants de syndicats, 2 juges, 8 représentants d’universités et d’écoles, 6 professionnels des médias et artistes, ainsi que d’anciens parlementaires.

Parmi les journalistes figurent plusieurs rédacteurs en chef de grands titres quotidiens : Emad El-Din Hussein, rédacteur en chef du journal El-Shorouk, Mahmoud Moslim, rédacteur en chef d’Al-Watan ainsi que Al-Riyadi Mohamad Shabanah, rédacteur en chef d’Al-Ahram. Le secrétaire général du Syndicat de la presse Mohamed Shabana a également été nommé, ainsi que l’ancien représentant du Syndicat des avocats Sameh Ashour.  Des chefs de partis tels que le leader du parti de gauche Tagammu El-Sayed Abdel-Aal et l’ancien leader du parti Wafd Bahaa Abu Shokaa figurent également dans la liste.

Les nouveaux membres du Sénat ont élu lors de sa première session le juge Abdel Wahab Abdel Razeq comme président de la Chambre, l’ancien juge Bahaa Abu Shuka comme premier adjoint du président, et Feby Fawzy en tant que second adjoint du président.

1ere phase des élections parlementaires

Pendant ce temps, la première phase des élections parlementaires s’est déroulée les 24 et 25 octobre dans 14 gouvernorats. Les gouvernorats concernés par la première étape étaient Gizeh, Fayoum, Beni Suef, Minia, Assiout, El-Wadi El-Gedid, Sohag, Qena, Louxor, Assouan, la Mer Rouge, Alexandrie, Beheira et Marsa Matrouh, pour un total de 284 sièges. 142 d’entre eux sont attribués à des candidats individuels, et l’autre moitié à des listes de partis.

Des tentatives d’achats de voix ont été dénoncées ainsi que le transports d’électeurs, rapportés notamment par le Conseil National des droits de l’homme. Le Parti Conservateur a également accusé le Parti du Futur de la Nation (Hizb Mostaqbal Watan ) ainsi que des candidats indépendants de soudoyer les électeurs en allant jusqu’à leur proposer 200 EGP contre leur voix dans plusieurs gouvernorats.

Malgré plusieurs plaintes déposées pour fraudes, l’Autorité Nationale Électorale (ANE) a annoncé les résultats de la première phase début novembre, estimant qu’il n’y avait pas de violations du procédé électoral affectant les résultats. 10 recours auraient été déposés à la Cour Suprême Administrative contre cette décision, qui devrait les examiner le 10 novembre. 248 plaintes de la part de candidats ont également été déposées auprès de l’ANE.

D’après les informations annoncées par l’ANE, 31 719 224 électeurs étaient inscrits pour voter, 9 069 729 électeurs ont voté, le taux de participation s’élevant donc à 28,06 %.

La liste nationale Pour l’Égypte, qui s’est présentée dans les circonscriptions du Delta occidental et de la Haute-Égypte avec une coalition de candidats coordonnée par le Parti du Futur de la Nation a remporté les 142 sièges disponibles par le système de liste. 88 candidats ont remporté leur siège via le scrutin uninominal dès le premier tour, tandis que 220 seront en compétition pour 52 sièges au second tour, qui aura lieu le 23 novembre en Égypte.

L’homme d’affaire Aboul Enein, vice-Président du Parti du Futur de la Nation qui avait annoncé sa candidature individuelle à la dernière minute a remporté un siège à Gizeh, au détriment de Ahmed Mortada Mansour, fils de Mortada Mansour, puissant avocat, député et président du Club de Zamalek, qui se présentait sur la liste du Parti Républicain du peuple.

Le secrétaire adjoint du Parti du Futur de la Nation Zaki Abbas, et le vice-président du PFN Mohamed Aly Abdel Hamid ont également remporté des sièges.

Précarité économique, aides du gouvernement et salaire unifié

Reconduction des aides aux travailleurs informels et au secteur touristique

Les autorités ont annoncé une nouvelle prolongation de l’aide de 500 EGP dispensée aux travailleurs irréguliers par le gouvernement depuis le début de la pandémie du coronavirus jusqu’au mois de décembre. 6.2 millions de travailleurs se seraient inscrits pour recevoir cette nouvelle série d’aides. Le Ministère du Travail aurait déjà déboursé 2,4 milliards d’EGP pour plus d’1,5 millions de travailleurs pendant trois mois. Le Ministère a également annoncé qu’il allait fournir une aide aux établissement touristiques afin d’assurer le payement de salaires de 600 EGP minimum à plus de 124.000 travailleurs.

Les délais de payement de factures de gaz, d’électricité et d’eau alloués à diverses entreprises du secteur touristique sont également reconduits jusqu’à la fin de l’année. Les frais de visa pour les touristes voyageant dans les gouvernorats du Sud-Sinaï, de la mer Rouge, de Louxor et d’Assouan sont suspendus jusqu’au 30 avril 2021.

 

Détérioration des conditions de travail et de vie dans le sillage de la pandémie

A la mi-octobre, le Centre des Syndicats a publié un rapport sur la détérioration des conditions de travail et de vie des travailleurs. D’après Mada Masr, l’étude, qui se concentre sur “les secteurs les plus touchés par la crise : le secteur privé industriel et de services, y compris le secteur du tourisme, le secteur informel ainsi que le secteur de la santé publique” s’est basée sur un travail de terrain et des entretiens menés au Le Caire, Gizeh,  Alexandrie, Ismaïlia, Port Saïd, Minia, Gharbia, Suez et 10ème Ramadan.

L’étude affirme l’existence d’abus répétés à l’encontre de travailleurs du secteur privé. Celle-ci mentionne entre autres des licenciements abusifs et des démissions forcées, la réduction de moitié des salaires et l’annulation des primes ou bonus, l’obligation de prendre des vacances à durée indéterminée et non-payée, des retards de payement de salaires, des heures de travail supplémentaires non-payées. Le rapport a également souligné le non-respect des mesures officielles pour protéger contre le coronavirus comme la réduction des équipes ou la mise en place de mesures barrières.

Le CAPMAS (Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques) a également publié un nouveau rapport en octobre estimant que, tout comme durant les quatre premiers mois de la pandémie, 50% des familles égyptiennes ont dû recourir à nouveau à des emprunts pendant les mois d’août et septembre.  D’après le CAPMAS, 88,5% des familles bénéficient du système de subvention alimentaire.

Vers un salaire unifié dans le public ?

Parmi les réformes du secteur public menées dans le cadre des prêts du FMI à l’Égypte, le projet de loi du Ministère des Entreprises Publiques visant à unifier le régime des salaires rencontre l’opposition de nombreuses entreprises publiques. Les syndicats, les conseils d’administration des entreprises du secteur public et la Fédération des syndicats égyptiens (ETUF) cherchent à élaborer une contre-proposition, estimant que ce projet risque de mener à une forte réduction du salaire des employés.

Début octobre, les employés des trois grandes compagnies d’assurance publiques, Misr Life Insurance, Misr Insurance, Misr Real Estate Assets ont organisé des sit-in et des manifestations dans leurs entreprises en protestation contre ce projet de loi. Trois employés auraient été arrêtés courant octobre, d’après Mada Masr.

 

La rentrée scolaire à l’aube d’une seconde vague de la Covid-19

Après plus de six mois d’interruption, les écoles ont rouvert à la mi-octobre. Parmi les mesures de prévention face au coronavirus, une réduction des temps de cours a été mise en place afin d’éviter la surpopulation des salles de classes. Les enfants vont ainsi à l’école entre deux et quatre jours par semaine, selon leur niveau d’étude, et pour 4h maximum, en alternant avec un apprentissage en ligne à la maison. Ce système étant compliqué pour les parents actifs, le gouvernement a prévu de réfléchir à un système de dérogation et d’aménagement des horaires de travail pour les mères. Dans le cas d’une seconde vague, les écoles pourraient fermer de nouveau.

Cependant, la Ministre de la Santé a affirmé mi-octobre que le gouvernement ne mettrait pas de confinement en place, même partiel, en cas de seconde vague. D’après la ministre, 320 hôpitaux généraux ainsi que 85 hôpitaux de pneumologie et 19 hôpitaux d’isolement sont prêts à accueillir des cas de coronavirus. Les autorités ont mis en place des tests pour un vaccin contre la Covid-19.

Demande de libération de prisonniers politiques

Deux appels à la libération de défenseurs des droits de l’homme, militants politiques, avocats, journalistes et autres prisonniers d’opinion emprisonnés ont été émis durant le mois d’octobre. Plus de 50 membres du Congrès américain ont rédigé une lettre demandant spécifiquement au Président al-Sissi de libérer, entre autres, les militants Alaa Abdel Fattah et sa sœur Sanaa Seif, ainsi que le militant politique Ramy Shaath et l’avocat des droits de l’homme et ancien parlementaire Zyad el-Elaimi.

Cet appel a été suivi d’une lettre similaire signée par 222 législateurs européens, membres du Parlement européen et députés nationaux de sept pays, dont ceux des principaux alliés de l’Égypte, l’Allemagne, la France et l’Italie.

Sans pouvoir établir de lien de cause à effet, la libération de 460 prisonniers a été annoncée début novembre, avec des mesures de libérations conditionnelles encore non-précisées. Plus de 300 d’entre eux avaient été arrêtés en relation avec les manifestations de septembre 2019, qui avaient vu plus de 4000 arrestations à travers le pays durant les semaines suivantes. Parmi les personnes concernées par cette décision se trouvent le journaliste Haitham Mahjoub, arrêté il y a six mois, le blogueur Mohamed Oxygen et le journaliste Sayed Abdella, tous deux été arrêtés en septembre 2019, et le militant politique Sameh Saudi.

 

Les négociations sans fin autour du GERD

Alors que l’Éthiopie prévoit de commencer à produire de l’électricité d’ici un an grâce au barrage, elle a également annoncé que le survol de l’ouvrage serait interdit. Cette interdiction s’inscrit dans un contexte de tensions et de mises en garde contre toute intervention militaire entre les deux parties. Lors d’une discussion avec son homologue kenyan, le Président Abdel Fattah al-Sissi réaffirme qu’il s’agit d’un enjeu de sécurité nationale et qu’un accord doit absolument être trouvé avec l’Éthiopie.

Le 18 octobre, le Premier ministre égyptien a assisté à l’ouverture de la 3ème édition de la Semaine de l’eau du Caire, intitulée « Sécurité de l’eau pour la sécurité et le développement dans les zones arides ». L’objectif est de promouvoir la coopération entre États de la région. Il a dressé un bilan de l’action du gouvernement concernant la ressource en eau (l’ensemble des mesures sont détaillées dans un article d’Al Masri al-Youm). Il a alors profité de son discours pour réaffirmer sa volonté d’arriver à un accord juridique contraignant concernant les règles de remplissage et d’exploitation du barrage. Il a mis en garde contre les prises de décisions unilatérales qui peuvent mettre en péril la stabilité de la région. Fin septembre, ce risque avait déjà été souligné par le président égyptien lors d’un discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Fin octobre, le président américain s’est invité au cœur des débats. Donald Trump a ainsi déclaré « The situation is very dangerous because Egypt will not be able to live this way, and they will end up blowing up the dam. I have said it, and I say it again, they will blow up that dam, they have to do something. ». Ces propos ont été dénoncés par les responsables éthiopiens. L’Union européenne a pour sa part encouragé les trois pays à trouver un arrangement, soutenant ainsi les efforts de l’Afrique du Sud actuellement à la tête de l’Union africaine pour faciliter le dialogue.

Après une longue interruption, le Soudan annonce la reprise des négociations par visioconférence, sous la supervision de l’Union africaine le mardi 27 octobre. Le pays s’est toutefois dit inquiet et demande aux observateurs et aux experts de jouer un rôle plus important.