SÉANCE ANNULÉE : Pratiques de Terrain au Proche-Orient

Le séminaire Pratique de Terrain au Proche-Orient qui devait se tenir aujourd’hui est annulé. Nous vous prions de nous excuser pour ce désagrément.

 
Dans la continuité du séminaire « Pratiques de terrain en contexte Moyen-Oriental », il s’agit de mener une réflexion sur les approches et les pratiques du terrain au Proche-Orient en portant une attention particulière à la diversité des contextes et des périodes concernés par celles-ci. En effet, selon que l’on travaille sur le temps présent ou passé, dans une situation de guerre, d’entre-guerre ou d’après-guerre ; sur un terrain totalement, partiellement ou non accessible, les chercheurs doivent adapter leurs façons d’enquêter et élaborer leurs objets d’études en ayant le souci de leurs enjeux historiques, sociologiques et politiques, souvent délicats et sensibles en raison des situations locales et régionales. Conduire des recherches au Proche-Orient, dans un contexte d’évolution rapide et parfois radicale des conditions d’accès au terrain, implique aussi de porter une attention particulière aux perspectives méthodologiques et au devenir des enquêtes déployées ainsi qu’aux façons de construire un terrain. Dans une optique pluridisciplinaire et comparative, ce séminaire offre donc un espace de dialogue entre chercheurs et étudiants sur la construction de leurs objets, les méthodes mises en place pour accéder à leurs terrains et aux enjeux théoriques et éthiques de leurs choix.

Prochaine séance

Jeudi 9 juin 2022
salle Fayruz- Ifpo
15h30-16h30

Une ethnographie à rebours est-elle possible ? Retour sur une enquête localisée sur les trajectoires des miliciennes en ruralité avec Floriane Soulié-Caraguel

Dans le cadre d’une thèse portant sur les trajectoires longues d’(ex)miliciennes des Phalanges et des Forces libanaises, j’ai choisi d’entreprendre une étude localisée comparée, de manière à analyser les (dés)engagements et les trajectoires biographiques de femmes originaires et engagées dans la montagne, et d’autres dans la banlieue de Beyrouth. Il s’agit d’étudier la manière dont s’organise la guerre et la temporalité qu’elle prend dans différentes régions, et ce que cela fait aux expériences miliciennes et aux trajectoires des ex-miliciennes. Pour le dire trivialement, je me pose la question de ce que fait l’espace au phénomène milicien et à son délitement à partir des trajectoires des miliciennes. Pour cette raison, je me suis installée dans un village de la montagne de Batroun pour mener une enquête principalement sur ce village, mais aussi sur des femmes des villages alentours. Cette présentation vise à revenir sur ces deux mois de terrain au cours desquels j’ai principalement essayé de m’imprégner de ce qu’est la vie au village de manière à mieux comprendre le contexte socio-politique dans lequel s’inscrivent les (ex)miliciennes. Cette première phase d’enquête pose déjà des questions d’ordre méthodologique : est-il possible de faire une ethnographie à rebours ? est-ce souhaitable pour étudier les trajectoires longues de ces femmes ? quelles échelles d’analyses peuvent être pertinentes pour étudier ce phénomène et donc sa dimension diachronique ? En revenant d’une part sur les premiers éléments que révèle mon enquête sur l’organisation des sociétés partisanes au village et d’autre part sur les attentes formulées envers les leaders politiques, particulièrement mises en exergue par l’échéance électorale, j’essaierai de proposer quelques pistes pour comprendre ce qu’est la politique de la vie quotidienne au village, pour ensuite réfléchir à la manière dont les ex-miliciennes rencontrées s’inscrivent dans la société villageoise. J’essaierai finalement de tirer quelques fils de réflexion sur les questions méthodologiques que pose cette enquête au village, et sur ce qu’elle nous dit des trajectoires biographiques des ex-miliciennes.
Floriane Soulié-Caraguel est doctorante en science politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CESSP), et doctorante associée à l’Ifpo. Elle mène une thèse intitulée : « Femmes en guerre, femmes dans l’ordre de guerre. Trajectoires longues de femmes ordinaires engagées dans les Phalanges et les Forces libanaises pendant la guerre du Liban ».

Séances précédentes

Mardi 1er mars 2022
salle Fayruz- Ifpo
15h00-17h00

Usage des images et des sons en sciences sociales : approches méthodologiques et théoriques à partir de l’exemple du conflit syrien

En partenariat avec le  programme ANR SHAKK
Agnès Devictor (Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Anna Poujeau (CNRS, Ifpo)

Ce séminaire sera l’occasion d’une réflexion méthodologique et théorique sur les images et les sons produits dans le contexte du conflit syrien par ses différents acteurs : activistes, combattants, etc. et les multiples usages que peuvent en faire les chercheurs en sciences sociales. Dans un premier temps, Agnès Devictor fera une présentation de l’ouvrage collectif qu’elle a dirigé avec Cécile Boëx : Syrie, une nouvelle ère des images De la révolte au conflit transnational (CNRS éditions, 2021), en revenant sur les multiples difficultés épistémologiques que soulèvent des recherches sur un espace audiovisuel et numérique, particulièrement instable, propre au conflit syrien. Dans un second temps, Anna Poujeau abordera les questions méthodologiques entrainées par ses propres recherches sur le conflit syrien à partir des images produites par les acteurs de la guerre dans le cadre particulier des enlèvements collectifs perpétrés par différentes factions combattantes.
Agnès Devictor est maître de conférences HDR à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du laboratoire Histoire culturelle et sociale de l’Art. Ses principaux travaux portent sur le cinéma iranien et les films de guerre tournés en Iran et en Afghanistan où elle a effectué plusieurs séjours de recherche. Elle s’intéresse notamment aux devenirs archives de ces images. Elle a co-signé avec J-M. Frodon Abbas Kiarostami, l’œuvre ouverte, Gallimard (2020), co-dirigé avec Cécile Boëx Syrie, une nouvelle ère des images. De la révolte au conflit internationale, CNRS éditions (2021) et avec G. Chahverdi Kharmohra, l’Afghanistan au risque de l’art/ Afghanistan under fire (édition bilingue) MUCEM-Actes Sud (2019).
Anna Poujeau est chargée de recherches au CNRS affectée à l’Ifpo de Beyrouth. Anthropologue, spécialiste de la Syrie, elle a travaillé de 2002 à 2010 sur la construction sociale et politique de la minorité chrétienne et ses relations au pouvoir. Son ouvrage sur le sujet est paru en 2014 à la Société d’ethnologie Des monastères en partage Sainteté et pouvoir chez les chrétiens de Syrie. Depuis 2011, ses recherches portent sur la révolution et le conflit syrien en s’intéressant plus particulièrement aux recompositions des relations des minorités au pouvoir et à la majorité sunnite à partir de l’étude des enlèvements collectifs de membres de minorités religieuses par diverses factions combattantes. Elle dirige le programme de recherche pluridisciplinaire SHAKK De la révolte à la guerre en Syrie : conflits, déplacements, incertitudes financé par l’ANR.

Vendredi 18 février 2022
de 15 à 17h, Ifpo Beyrouth (Salle Fairouz)

En marge d’archives. Négociations, capital social et phantasme de l’archive au Liban

Pierre France
Research Associate – Orient Institut Beirut
Doctorant Paris 1 – Panthéon Sorbonne – CESSP/CRPS

Extrait du registre de recensement industriel des années 50, crédits : Pierre France

Au Liban – et comme dans beaucoup d’autres pays du pourtour méditerranéen – l’accès aux archives est complexe. Il est ainsi rare de pouvoir prendre un rendez-vous à une heure donnée sur la foi d’un inventaire préalablement consulté : il faut au contraire multiplier les appels, les fausses pistes, passer par plusieurs espaces de nature différente; archives privées, institutions culturelles, partis politiques, antiquaires, particuliers, et, seulement parfois, institutions publiques. Le tout en négociant sans cesse, en étant sommé de montrer pâte blanche, sans savoir ce que l’on va trouver et ce qu’on nous laissera consulter, et plus encore en étant parfois confronté à des consultations d’archives qui tendent à l’entretien avec leur propriétaire, ou vice-versa. Une situation où l’interlocuteur décide – en situation – quelles archives sont pertinentes pour la personne en face de lui (le monde social de l’archive étant extrêmement masculinisé), pour combien de temps, à quelle condition, et pourrait en décider tout à fait autrement le jour suivant. L’archive est ainsi loin d’être un « hors-champ » du terrain, plus balisé, qui relèverait prioritairement d’une discipline, historique, de formulaires silencieux et de règles d’accès fixes; elle se négocie durement, elle s’achète même parfois sur un marché des vieux papiers. En partant de situations concrètes d’interactions pour accéder à des archives – qu’elles soient couronnées de succès ou non – ce travail cherche à montrer les ressorts qui permettent ou non d’accéder à des documents, où, sous quelles conditions, et avec quels enjeux pour les interlocuteurs.
Pierre France est chercheur associé à l’Orient Institut Beirut, et doctorant en science politique à l’Université Paris 1. Il termine actuellement une thèse sur le fonctionnement de l’Etat libanais pendant la période de la guerre civile (1975-1990), après avoir co-écrit avec Antoine Vauchez, « Sphère Publique, Intérêts Privés », sur les nouveaux circuits du pantouflage en France (Presses de Science-Po, 2017, traduit en anglais en 2021), et mène aussi depuis 2013 une série de travaux sur le complotisme en France.

Vendredi 03 décembre 2021
de 14 à 16h, à l’Ifpo de Beyrouth

Couvrir la guerre à distance : l’évolution des pratiques journalistiques dans le cas du bureau de Beyrouth de l’Agence France Presse

Maena Berger (doctorante, EHESS)
Dans le cadre d’une thèse portant sur les transformations contemporaines du travail journalistique en temps de guerre, cette présentation vise à dresser un premier état des lieux d’une enquête en cours qui porte sur la production de l’information sur la Syrie par le bureau de Beyrouth de l’Agence France Presse (AFP). En 2021, cette « couverture médiatique » s’effectue à travers un large réseau de journalistes pigistes syriens présents dans les zones non contrôlées par le régime. Pourtant, au début des premiers mouvements révolutionnaires en mars 2011, l’agence de presse ne disposait d’aucun correspondant sur place, à l’exception des journalistes du bureau de Damas, qui ne pouvaient produire qu’une information extrêmement limitée et restreinte à la capitale syrienne. S’ajoute à cela la dangerosité, puis l’impossibilité de se rendre sur d’autres terrains. Cette présentation propose d’interroger la manière dont ces conditions sont venues bousculer les pratiques journalistiques ordinaires, comment l’équipe de Beyrouth a cherché à trouver des sources fiables, puis à les former pour en faire des producteurs professionnels de l’information. Quelles ressources organisationnelles et individuelles ont-elles été mobilisées pour construire et intégrer ce réseau au sein de l’AFP ? Sur quels critères les pigistes ont-ils été recrutés et comment ont-ils été formés ? Les premières observations et les entretiens semi-directifs réalisés au sein du bureau de Beyrouth de l’AFP, permettent d’apporter des pistes de réflexions et surtout d’éclairer ce processus de mise en œuvre d’un réseau, de ses implications professionnelles, à la fois pour l’agence transnationale et pour ces journalistes pigistes.

Vendredi 13 novembre 2021
de 14 à 16 h à l’Ifpo de Beyrouth

Anthropologies libanaises, avec N. Puig (IRD)

Pour cette reprise, nous aurons le plaisir d’accueillir Nicolas Puig (IRD) qui reviendra sur le numéro spécial d’Ethnologie Française, consacrée à l’ethnologie au Liban et les enjeux de cette réflexion collective qui remonte à 2020.

Discutante : Anna Poujeau
 
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