Revue de presse Ville, mobilités, environnement – Juillet/Août 2022

Renouvellement urbain

Renouvellement du centre-ville

Les projets de transformation du Mugamma sur la place Tahrir se précisent. Un contrat a été signé en août entre le Fonds souverain égyptien et plusieurs entreprises qui en assureront le développement. Les investissements s’élèvent à 200 millions de dollars et devraient mener à la création de 500 emplois directs. Le bâtiment devrait devenir un complexe hôtelier de luxe de 500 chambres, qui accueillera également des cafés et des centres commerciaux. Ce complexe aura pour nom « Cairo House ». Un article d’Al-Monitor revient sur l’évolution récente du bâtiment.

De la destruction à la reconstruction

À Medinat Nasr, les destructions des 6ème et 7ème districts ont commencé (voir Revue de presse de janvier 2022). 3 000 familles sont concernées et seront indemnisées. Les autorités ont répondu aux rumeurs en précisant que le 10ème district n’était pas visé. Elles ont également dit que les terrains ne seraient pas vendus à des promoteurs, que l’objectif était seulement de replanifier la zone.

989 familles ont à nouveau été expulsées du quartier de Magra el-Uyun suite à la destruction de leur logement dans le cadre de la réhabilitation du quartier. Cette dernière prévoit la construction de 79 immeubles comprenant près de 2 000 logements.

172 propriétés ont également été détruites à Gabakhana (الجبخانة) dans le Vieux Caire, conduisant au déplacement de 720 familles vers les quartiers d’Al-Mahrousa et d’Al-Salam. Le développement de la zone devrait notamment permettre le passage de nouveaux axes routiers.

À Imbaba, ce sont 82 immeubles qui sont détruits afin de permettre le passage du nouveau corridor du 26 Juillet. Parallèle à l’axe préexistant du même nom, il soulagera le trafic depuis et vers le centre-ville du Caire.

Le ministère du Logement a présenté les procédures d’attribution de logements dans le cadre du retour des habitants d’origine dans le quartier de Maspero. Deux tours résidentielles de 18 étages, chaque étage comprenant 26 logements, leur sont destinées. Une loterie publique, dont la date devrait être fixée fin août, devrait être organisée. Ce procédé a été préféré pour éviter les conflits entre résidents quant aux choix des appartements. Les premiers logements devraient être livrés en septembre 2022. Al-Borsa détaille les caractéristiques des tours et des logements.

Villes nouvelles

Le Journal officiel annonce l’attribution de 7 670 feddans (3 200 hectares) pour la construction de la ville nouvelle d’Esna.

Les bords du Nil : reprise en main des fronts d’eau fluviaux

Malgré les fortes oppositions, une campagne sur les réseaux sociaux et le lancement de plusieurs actions en justice, le gouvernement a poursuivi son opération d’expulsion et de destruction des péniches résidentielles sur la corniche du Nil à Imbaba (voir Revue de presse de juin 2022). Un article de Mada Masr revient en image sur l’opération. 32 bateaux sont concernés entre les ponts du 15 Mai et d’Imbaba. Cette action s’inscrit dans le cadre d’une réorganisation de la propriété des berges du Nil et du transit sur le fleuve. La propriétaire d’un des bateaux, Ikhlas Helmy, s’est vue attribuer un appartement avec vue sur le Nil à Zamalek, pris en charge par le gouvernement. Dans une vidéo réalisée par Mada Masr, elle raconte son histoire. Contrairement aux autres propriétaires, elles n’avait effectivement pas d’autre logement où se rendre après la destruction de sa péniche. Une tribune publiée dans Al-Masri al-Youm souligne la tension entre aménagement et préservation du patrimoine urbain dont cette affaire est un exemple.

Alors qu’elle était gratuite depuis son ouverture mi-mars (voir Portfolio des Carnets du CEDEJ), le gouvernement a annoncé que l’accès à la nouvelle Corniche, Mamsha Ahl Masr, sera désormais payant (20 livres égyptiennes). Un article de Daarb fait état d’une action en justice pour contester cette décision. Un membre de la Chambre des Représentants a fait une demande d’information sur le sujet, soulignant que les frais d’entrée limitent grandement l’accessibilité de ce qui devait être un espace public ouvert à tous. Par ailleurs, des images ont circulé sur les réseaux sociaux, montrant des malfaçons et des dégradations du pavage de la promenade. Le ministère du Logement a fait savoir que cela était dû à son utilisation et que l’entretien de la corniche était continu.

Alors que le Premier ministre, Mustafa Madbouly, annonce que l’État, via la NUCA (New Urban Communities Authority) détient désormais 71 % de l’île de Warraq dans le Grand Caire, un plan de développement a été présenté dans la presse. L’objectif est de tirer parti d’un emplacement unique sur le Nil et d’y implanter 94 tours résidentielles comprenant 4 000 logements ainsi que des services. Ce nouveau quartier, Horus City, deviendrait une forme de Manhattan cairote. Des logements à Obour sont proposés aux familles expropriées ; une indemnisation est également prévue. Depuis 2017, Mada Masr revient régulièrement sur les conflits qui opposent les habitants de l’île au gouvernement. Alors que des résidents ont résisté à leur expropriation, le journal fait état de nouvelles arrestations qui ont suscité la protestation de certains députés. Le ministre du Logement a rappelé qu’il ne s’agit pas de « déplacements forcés » mais de « projets de développement » qui ont donné lieu, jusqu’à présent, à une compensation de 6 milliards de livres égyptiennes. Il souligne que l’étalement urbain non contrôlé a causé des dégradations environnementales rendant nécessaire une intervention de l’État. L’Urban Planning Authority prévoirait le développement de dix-sept autres îles sur le Nil, notamment celle de Dahab au Caire qui devrait accueillir un aquarium et des activités commerciales et récréatives. Des résidents des îles de Qursaya et de Dahab au Caire ont confié à Mada Masr craindre de devoir eux aussi quitter leur lieu d’habitation.

À l’aune de ces transformations, un article d’Al-Ahram Online retrace une histoire commune de la ville du Caire et du Nil.

Transport

Augmentation des prix des transports

Le ministre des Transports a annoncé que le prix des billets de train et des tickets de métro devrait augmenter pour faire face au déficit public. L’Autorité des chemins de fer aurait effectivement une dette de 88 milliards de livres égyptiennes. À cela s’ajoute un parc ferroviaire en mauvais état. Le ministre des Transports assure que d’autres solutions seront aussi mises en œuvre notamment des investissements fonciers et la mise à disposition de plus d’espaces publicitaires. L’augmentation s’élève à une livre égyptienne par ticket. Alors qu’elle devait être effective au premier août, elle a été reportée. Le ministre a plus tard précisé qu’elle aurait lieu à la fin du mois et qu’elle ne devrait pas dépasser 25 % du prix actuel. Selon un article de Daarb, plusieurs partis politiques se sont opposés à cette hausse des prix des transports, soulignant que ces derniers ont déjà augmenté de 90 % en cinq ans.

Pôle intermodal d’Adly Mansour et transports en commun

Le 3 juillet 2022, le Président Abdel Fattah al-Sissi a inauguré la station d’Adly Mansour. Il s’agit d’un pôle intermodal où se retrouveront 7 moyens de transports différents dont 4 électriques : la ligne de train Le Caire-Suez, la 3ème ligne du métro, le train électrique, la station de bus SuperJet, les bus électriques et le système BRT. Concernant le prix des tickets du train électrique, il s’élèvera à 13 livres égyptiennes pour 3 stations, à 20 livres égyptiennes pour 6 stations et à 35 livres égyptiennes pour 12 stations.

Dans le même temps, le ministre des Transports a annoncé que les travaux de la 4ème ligne de métro avaient commencé. Le mois d’août marque également l’arrivée de la première conductrice de métro au Caire. Le métro cairote a par ailleurs fait l’objet d’un scandale artistique début juillet : l’artiste russe Georgy Kurasov a dénoncé une récupération sans autorisation de son œuvre pour décorer la station de Koleyat al-Banat sur la ligne 3. La peinture murale a depuis été retirée.

Transports en commun verts

Alors que la Banque mondiale a accordé à l’Égypte un prêt de 200 millions de dollars pour améliorer la qualité de l’air, le ministère de l’Environnement décide d’en attribuer 40 millions pour l’achat de 100 bus électriques. Un contrat a été signé pour que quarante d’entre eux soient destinés à Alexandrie. Par ailleurs, 1,2 milliards de livres égyptiennes ont été attribués pour convertir 2 262 bus au gaz naturel au Caire et à Alexandrie.

La première station BRT (Bus Rapid Transit) est terminée sur le périphérique. Ce nouveau système de transports en commun vise notamment à servir d’alternative aux microbus. 33 stations devraient être mises en œuvre dans un premier temps.

Cinq nouvelles stations de vélos en libre-service sont en cours de construction au Caire, dans Wast el-Balad, dans le cadre du projet Cairo Bike (voir Revue de presse de juin 2022). Un article d’Egypt Today redonne les grandes lignes du projet.

Les routes en débat

Le Président a par ailleurs défendu son bilan en matière de construction d’autoponts, soulignant que sans les réalisations des cinq dernières années, le Caire aurait été complètement saturé. Une nouvelle route est prévue pour rejoindre New Cairo et sera parallèle à la rue Salah Salem. Seize axes ont été construits pour relier l’est et l’ouest de la ville, solutionnant une partie de la congestion urbaine.

Alors que des plaintes ont fusé sur les réseaux sociaux quant aux projets d’infrastructures routières sur la Côte Nord, le Président Abdel Fattah al-Sissi a rappelé que les travaux n’étaient pas terminés – ils devraient s’achever mi-août au plus tard – et qu’il fallait avoir confiance dans la vision du gouvernement. Un comité de consultants et d’experts techniques aurait été constitué pour traiter les plaintes.

Train électrique à grande vitesse

Un projet est à l’étude pour construire une ligne de train électrique sur 280 kilomètres, entre Alexandrie et Port-Saïd. Le projet coûterait 7 milliards de dollars. Ce train desservirait quatorze stations, notamment Baltim, New Mansoura, Gamasa, New Damiette et Damiette. Le ministère des Transports a par ailleurs annoncé que les trains électriques à grande vitesse réduiraient les temps de trajet entre gouvernorats de 50 %. Il précise que la première ligne de train électrique à grande vitesse, entre Ain Sukhna et New Al-Alamein, a une importance stratégique comparable à celle du Canal de Suez.

Autres

Un article détaillé d’Orient XXI revient sur l’offensive lancée par le gouvernement depuis plusieurs mois contre les tuks-tuks. Il analyse cette mesure prise contre une activité informelle pourvoyeuse d’emplois.

L’aéroport du Caire est le premier en Afrique en termes de nombre de passagers en 2021 avec près d’1,4 millions de voyageurs.

Tourisme

 Photographies dans l’espace public

Le ministre du Tourisme et des Antiquités, Khaled al-Anani, en poste jusqu’à mi-août avant d’être remplacé par Ahmed Eissa Taha Abu Hussein, a annoncé une nouvelle réglementation concernant la prise de photos dans l’espace public. Cette autorisation est limitée par l’engagement de ne pas photographier ni filmer de scènes offensantes pour le pays et de ne pas photographier les enfants et les adultes sans leur consentement. Trois types de « photographes » sont distingués : les particuliers, égyptiens et étrangers, qui pourront utiliser appareils photos et téléphones portables sans autorisation préalable et sans payer de redevance, les médias étrangers qui devront toujours demander un permis au Service d’information de l’État, les productions télévisuelles et cinématographiques pour lesquelles la procédure devrait être facilitée. Selon la décision rendue par le Premier ministre, les photographies des terrains et bâtiments gouvernementaux et ministériels restent interdites. Cette décision s’inscrit dans une volonté de promotion touristique du pays. En 2019, déjà, les photographies au sein des musées et sites archéologiques avaient été facilitées. L’information a été relayée dans la presse internationale, notamment dans The Guardian.

Autres

Le Premier ministre cherche à augmenter la capacité hôtelière de la ville de New al-Alamein.

À Alexandrie, l’accessibilité aux personnes aveugles d’une plage d’Al-Mandara      a été facilitée par la désignation d’espaces de baignades et la formation spéciale de sauveteurs.

Un système de caméras de vidéosurveillance doit être installé à Louxor avec pour but affiché de garantir la sécurité des touristes.

 

 Environnement et énergie

Des projets environnementaux avant la COP

La COP27 a désormais un compte Instagram et une page Facebook. Un article d’Al-Monitor présente quelques projets mis en œuvre par le gouvernement en amont de la conférence pour le climat qui se tiendra au mois de novembre.

Tout d’abord, la ministre de l’Environnement a présenté la Stratégie nationale de réduction de l’utilisation des sacs plastiques à usage unique au Conseil des ministres. L’objectif est de passer à 100 sacs par personne et par an d’ici 2025 et à 50 d’ici 2030. L’Égypte s’investit également dans la production d’alternatives au plastique. Par ailleurs, de plus en plus d’ONG agissent pour protéger l’environnement face aux déchets plastiques. Une nouvelle mesure vient également lutter contre ce type de pollution : désormais le conducteur d’un véhicule duquel des déchets auront été jetés sur la chaussée devra payer une amende ou bien verra son permis de conduire suspendu.

Par ailleurs, le gouvernement lance l’initiative « 100 millions d’arbres » qui vise à reboiser le pays. Dans un premier temps, des arbres fruitiers seront plantés sur les bords des autoroutes dans plusieurs gouvernorats. En outre, 9 900 sites ont été choisis partout dans le pays pour implanter des parcs et des forêts.

Érosion sur la Côte nord

Mi-juillet, des images alarmantes d’une érosion soudaine de la Côte Nord (Sahel) ont circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux.  De nombreuses voix, y compris celles des habitants de la région, ont accusé le Groupe Emaar, qui mène des travaux de construction d’une marina, d’avoir provoqué cette crise environnementale. Certaines personnalités publiques ont pris position, comme Hisham Ezz Elarab, ancien président de la Commercial International Bank égyptienne et propriétaire d’un villa à Marassi, qui a dénoncé : « Emaar a besoin d’avoir un meilleur comportement après avoir détruit la baie de Sidi Abdulrahman, c’était le meilleur endroit de la Côte Nord. C’est inacceptable alors que l’Égypte accueille la COP27 et qu’Emaar se fiche éperdument de la destruction de l’environnement ». La réponse de la ministre de l’Environnement, Yasmine Fouad, a été immédiate. Elle a ordonné l’arrêt de toutes les activités de dragage le long des plages de Marassi, de Stella et des Diplomats, ainsi qu’une inspection de terrain. L’influence du changement climatique sur le retrait des côtes du Sahel s’est retrouvée au cœur des débats. Le littoral méditerranéen égyptien souffre d’une augmentation continue des températures de la mer, modifiant la topographie des fonds marins profonds et perturbant les écosystèmes ; une dynamique amplifiée et accélérée par les aménagements réalisés par le groupe Emaar, telles que les digues, ce qui réduit le mouvement des vagues. Pourtant, d’autres projets sont prévus sur la Côte Nord, comme celui de la Misr Italia Real Estate sur une superficie de 400 feddans (168 hectares) et qui comporte des volets résidentiels, touristiques et commerciaux. Un article de Mada Masr revient sur l’aménagement progressif de la région.

Les côtes égyptiennes sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques, notamment Alexandrie qui abrite environ 40 % de la capacité industrielle du pays ; les pertes pourraient s’élever à 504-581 millions de dollars d’ici 2050. Dans le même temps, l’élévation du niveau de la mer pourrait entraîner des pertes pour le tourisme balnéaire. Dans ce contexte de défis liés au changement climatique, l’Égypte a demandé un soutien financier pour des projets de protection et des efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, ce qui a donné lieu à un accord de coopération avec l’Union européenne. Le Fonds vert pour le climat finance également un vaste programme de gestion des zones côtières en Égypte.

Énergie : rationalisation de l’électricité

Courant août, le Premier ministre Moustafa Madbouly a annoncé une rationalisation de l’électricité, alors même que sa consommation en Égypte n’a jamais été aussi forte. Le but affiché est d’économiser le gaz naturel utilisé pour l’exploitation des centrales électriques, en vue de l’exporter et de tirer profit des devises étrangères. Un long article d’Al-Ahram détaille la mesure et sa justification par le gouvernement. Concrètement, tout bâtiment public devra couper l’éclairage en dehors des heures d’ouverture, l’éclairage public sera également limité, la climatisation ne devra pas aller en dessous de 25 °C, les horaires de fermeture (23 heures pour les centres commerciaux et les magasins en été) devront être respectés. Ces mesures devront être mises en œuvre par les gouverneurs. Le ministère du Logement a lancé un programme pour sensibiliser la population. De plus, le Conseil des ministres a souligné les avantages environnementaux de cette décision en expliquant que la rationalisation de la consommation de ressources naturelles vise à protéger l’environnement et à réduire les émissions nocives. Il a précisé que cela est impératif pour toute nation cherchant à progresser et à prospérer (sur la base de la Vision 2030 de l’Égypte). Cette décision est venue peu après celle de reporter l’augmentation des prix de l’électricité prévue pour ce mois jusqu’au début de l’année prochaine « compte tenu des conditions sociales des citoyens ». Cette décision a été relayée dans certains médias étrangers qui soulignent son injustice économique et climatique : « Les Égyptiens transpirent pour que les autres pays restent au frais » titre l’un des articles.

Florian Bonnefoi et Rosanne Hassan