Il faut sauver le blé
Le prix du pain non-subventionné a bondit de 50% immédiatement après l’invasion Russe en Ukraine, suite à l’interruption des importations de blé en provenance des deux pays en conflit. Cette augmentation brutale a conduit le gouvernement égyptien à fixer les prix du pain pour la première fois en 30 ans, pour une période de 3 mois. Cependant, les boulangeries achetant le blé au prix du marché, elles risquent de vendre à perte, la tonne de blé étant passée de 8 000 EGP à 12 000 EGP depuis le début du conflit. Des amendes oscillant entre 10 000 EGP et 5 millions EGP sont prévues pour ceux qui ne respecteraient pas les prix. Le prix de la miche de pain baladi de 45 grammes est ainsi arrêté à 0.50 EGP, celui de la miche de 65 grammes à 0.75 EGP.
L’augmentation du prix du pain subventionné, aujourd’hui à 5 piastres la miche, jusqu’à 5 miches par jour pour les bénéficiaires, et la réduction du nombre de bénéficiaires, prévue en juin prochain, semble temporairement repoussé à cause de la conjoncture. Les discours officiels cherchent au contraire à rassurer la population sur les réserves de grains disponibles malgré la guerre, et sur la quête de nouveaux fournisseurs. En plus d’avoir interdit les exportations de blé et de tout type de farine – mais aussi d’huile, de pâtes de haricots et de lentilles afin de garantir leur disponibilité pendant le Ramadan, l’Égypte est en discussions avec États-Unis, la France, l’Inde et l’Argentine pour assurer de nouvelles importations de blé. Le gouvernement cherche également à augmenter l’achat local de blé, en obligeant les agriculteurs à vendre à l’État 60% de leur récole. les prix établis par le gouvernement s’élevaient cette année à 820 EGP par ardeb contre 800 EGP l’année passée, tarif augmenté ces dernières semaines de 65 EGP résultant à un total de 5 800 EGP par tonne de blé – prix bien inférieur au marché mondial – tandis que les agriculteurs réclament 1 000 EGP par ardeb. Les agriculteurs ne sont également pas autorisés à vendre le reste de leur production sans accord préalable du ministère de l’approvisionnement et du commerce intérieur. Ceux qui n’appliquent pas la décision se verront privés de la distribution des engrais subventionnés ainsi que tout autre type de soutien de la part de la Banque agricole d’Égypte. Ceux qui vendent leur récolte au secteur privé s’exposent à des peines de prison allant de 1 à 5 ans et à des amendes allant de 300 à 1 000 EGP, ainsi qu’à la confiscation de leur récolte. Le gouvernement vise ainsi à collecter 6 millions de tonnes de blé, contre 3.5 millions l’année dernière – réunies à l’époque grâce à une offre de prix supérieure à celle du marché mondial. Cependant, alors que les chiffres officiels font état d’une production locale allant jusqu’à 10 millions de tonnes par an, il semblerait que celle-ci s’élève en réalité à 7 millions, notamment parce que certains agriculteurs prétendraient cultiver des terrains plus larges afin de bénéficier de subventions et d’engrais, ou alors à cause de terres peu fertiles et de maladies du blé qui réduisent la productivité. Alors que le prix proposé par le gouvernement est inférieur au prix du marché, de nombreux agriculteurs risquent d’éviter de vendre leur blé aux autorités malgré les pénalités prévues, ou d’arrêter la culture du blé l’année prochaine.
Inflation
En attendant, le taux d’inflation annuel bat son record depuis juin 2019, atteignant 8.8% en février contre 7.3% en février 2021, et les prix des produits alimentaires s’enflamment depuis la mi-mars d’après une étude du CAPMAS. Cependant, d’après Sharif Fayed, Professeur d’économie agricole interrogé par Mada Masr, cette hausse des prix seraient liées à des conditions locales – culture saisonnière, instabilité des récoltes et non-réglementation des chaines d’approvisionnements – l’impact de la guerre russo-ukrainienne étant encore à venir… Les prix des cylindres de gaz ménagers et commerciaux ont également augmenté de 5 et 10 EGP, étant désormais à hauteur de 75 et 150 EG.
Fuite des capitaux, mesures monétaires, FMI
Dès le premier jour de l’invasion russe en Ukraine, de nombreux investisseurs étrangers ont vendu leurs bons du Trésor en livres égyptiennes, privilégiant des marchés estimés plus sûrs et privant ainsi l’Égypte de liquidité en dollars. 3 milliards de dollars auraient ainsi quitté l’Égypte dès la première semaine de l’invasion.
Afin de rendre le marché égyptien plus attractif, la Banque centrale égyptienne a décidé mi-mars de faire flotter la livre égyptienne, qui s’était stabilisée autour de 15,7 EGP pour 1 dollar américain après la première libéralisation du taux de change en 2016. La livre a été ainsi dévaluée de 14%, allant jusqu’à atteindre un taux de 18.23 pour 1 dollar américain. La Banque centrale a également augmenté les taux d’intérêts de 1%. Malgré ces mesures, la pression financière a tout de même conduit l’Égypte à demander un soutien supplémentaire au FMI à la fin du mois de mars, qui serait éventuellement accompagné d’une nouvelle aide financière. Le Ministre des finances Mohamed Maait a assuré que cette aide ne serait pas un poids supplémentaire pour les citoyens – faisant allusion au cycle de réformes du système de subvention en cours, supporté par le FMI.
Investissements du Golfe
L’Égypte est également allée regarder du côté de ses partenaires dans le Golfe. Fin mars, l’Arabie Saoudite a déposé 5 milliards de dollars à la Banque centrale égyptienne. Les deux pays ont également signé un accord pour faciliter les investissements saoudiens en Égypte via le Fond public d’investissement saoudien, le Premier ministre Madbouly espérant attirer prochainement 10 milliards de dollars vers le Fond souverain égyptien. La veille, le Qatar s’était également engagé à investir également 5 milliards de dollars en Égypte. Deux milliards de dollars d’investissements émiratis dans des entreprises publiques égyptiennes de fertilisants et de cargo- Abu Qir Fertilizers, Misr Fertilizers, and Alexandria Container & Cargo Handling – ont également été conclus fin mars. Les Ports d’Abu Dhabi sont également en négociation avec le Groupe Égyptien pour les terminaux polyvalents afin que les Émirats équipent et exploitent le terminal du Port de Safaga pour les quinze prochaines années contre 5% des revenus.