Les candidats retenus participeront aux différentes activités du programme dont la réalisation de missions de terrain, la mise en place d’une série de webinaires et la publication d’articles scientifiques.
Ce programme de recherche, soutenu par l’Institut SoMuM, entend constituer une équipe de recherche pluridisciplinaire et internationale constituée d’une douzaine d’étudiants de master et de doctorants et encourager les recherches en ce domaine auprès des étudiants d’Aix Marseille Université.
Date limite des candidatures : 30 septembre 2021, minuit heure de Paris
La production contemporaine des savoirs sur la Jordanie est marquée par les ancrages sociaux, intellectuels et/ou idéologiques des savants, l’évolution des intérêts de la recherche mais également la fermeture d’autres terrains régionaux au gré des évolutions frontalières, crises et conflits. À partir de la fin du XIXe siècle, c’est avec l’essor des études bibliques qu’archéologues et premiers ethnologues s’intéressent aux territoires « Outre Jourdain ». À l’époque mandataire, les travaux d’archéologie et sur le folklore sont soutenus par l’administration britannique, tout comme les savoirs des experts. À partir des années 1950, l’intérêt des sciences humaines et sociales pour la région se développe et la Jordanie devient un observatoire privilégié pour l’étude des mobilités et des réfugiés, avec notamment le développement des recherches sur les camps palestiniens, mais aussi dans l’analyse du phénomène tribal. La guerre du Liban, les guerres du Golfe puis les révolutions arabes redéfinissent entre-temps l’accès aux terrains moyen-orientaux et donc la place de la Jordanie au sein de la production académique. Par ailleurs, à partir des années 1950 et dès l’indépendance du Royaume, le développement progressif du système universitaire jordanien a permis l’affirmation d’une tradition de sciences humaines et sociales en langue arabe sur la Jordanie faisant notamment la part belle aux études urbaines, aux travaux sur la période ottomane, aux questions migratoires mais également aux études d’anthropologie ou sur le tourisme.
Depuis une dizaine d’années, la Jordanie tient une place croissante au sein des études sur le Moyen-Orient, pour des raisons d’accessibilité au terrain notamment, en particulier pour les jeunes chercheurs. L’« objet » jordanien devient à la fois terrain d’étude « par défaut » du fait de la stabilité du pays, mais également « par intérêt » comme terrain d’enquête riche et peu étudié. Partant de ce constat, ce programme de recherche entend encourager les réflexions sur la production et l’évolution des sciences sociales en temps de « crise » au Moyen-Orient. L’étude du « fait national jordanien » constitue aussi le point d’entrée vers la compréhension des mutations en cours à différentes échelles (locale, régionale, globale) dans cette région du monde et des approches mobilisées pour les appréhender. De création relativement récente et accueillant sur son sol une importante proportion de populations réfugiées ou migrantes, la Jordanie offre en effet un cas intéressant où l’appartenance nationale ne va pas toujours de soi. Le pays présente de ce fait une vertu heuristique particulière pour faire la lumière sur ce qui est souvent moins perceptible ailleurs.
À la fois perçue comme un pays « stable » dans une région en proie aux crises multiples ou comme un État en « transition démocratique » depuis les années 1990, la Jordanie semble faire figure d’exception. Elle est en cela un terrain d’enquête fécond pour interroger les notions de « crise », de « transition » ou de « déstabilisation » souvent utilisées pour qualifier la région. Ceci d’autant plus que l’histoire contemporaine jordanienne est marquée par des vagues migratoires successives de Palestine, d’Irak de Syrie ou vers le Golfe qui contribuent à en faire à la fois un pays « carrefour » et une caisse de résonance des nombreux défis de la région. La Jordanie offre aussi un cas d’école des mutations économiques et de la transition environnementale à l’œuvre régionalement, dans un contexte où les ressources sont rares et où les dépendances politique et économique influencent l’orientation des politiques et des réformes. Enfin, les enjeux de sécurité et de stabilité régionales prennent un sens particulier dans ce pays « tampon », que nous pouvons notamment observer dans les politiques menées à l’égard des réfugiés ou encore des opposants politiques.
Une entrée en matière par le « fait national jordanien » offre ainsi une ouverture sur plusieurs débats politiques et scientifiques en cours, concernant le Moyen-Orient, sur les modes d’appartenance, sur les citoyennetés, sur la transformation et les frontières des États. Elle permet en même temps d’interroger l’exemplarité ou la spécificité du cas Jordanien. Il s’agit pour cela de prendre la Jordanie « au sérieux », pour ce que cet objet nous apprend des pratiques, théories et concepts de nos disciplines et de lui-même. Ce projet contribuera par là même au décloisonnement du terrain jordanien en interrogeant ce qu’il révèle des dynamiques économiques et sociales nodales. Le programme et la formation proposée (rencontres, ateliers, cycle de webinaire) nous permettront de penser des pistes de comparaison avec d’autres contextes nationaux tout en questionnant des concepts souvent assimilés à cet objet (« État rentier », « État autoritaire », « tribus »).
Axes de recherche
Seront considérées avec un intérêt particulier les candidatures présentant notamment une mise en questionnement du « fait national jordanien » :
par les modes d’appartenance (tribales, religieuses, ethniques, nationales)
La fondation relativement récente de l’Émirat de Transjordanie sous mandat britannique en 1921, sur des territoires qui jusqu’alors correspondaient au sud du Bilad al-Sham ottoman, ont souvent amené les recherches à considérer la construction nationale jordanienne comme factices et/ou fragiles. Cette approche rejoint parfois celle des études sur le phénomène migratoire qui ont souvent interrogé la place des migrants ou réfugiés au sein du discours national et la société jordanienne. L’interaction entre mode d’appartenance et état a été traité à plusieurs égards, notamment à l’aune de la tribalité ou encore des appartenances ethniques et religieuses. Il s’agira ici d’interroger la multiplicité des modes d’appartenance d’acteurs et actrices jordaniens ou installés en Jordanie, pour questionner le fait national à partir de la complexité des expériences, discours et vécu et discuter ses mécanismes sociaux sur le temps long.
par les citoyennetés et la question sociale (droits, solidarités, représentations)
Des mouvements plus ou moins larges de protestation viennent régulièrement contester à la fois la nature du régime politique en Jordanie (monarchie, corruption, autoritarisme) et les réformes lancées il y a plus de 30 ans au nom de la libéralisation économique et pour l’avènement d’un « contrat social » post-rentier. Des réformes qui, comme pour d’autres pays de la région, ont vu l’érosion du filet social et le creusement des inégalités socio-économiques. Dans ce contexte, il s’agit d’interroger les formes multiples que peuvent prendre les actes de citoyenneté, dans la revendication de droits et la mise en œuvre de solidarités alternatives, et ce qu’elles nous disent de la représentation et de la participation politique dans ce pays et à l’échelle de la région.
par les transformations et frontières de l’État (faillite, résilience, recomposition)
Dans une région où l’État est principalement décrit à travers la rhétorique de la « crise » ou de la « transition », le système politique jordanien cultive une image de stabilité qui semble faire figure d’exception. Pourtant, les autorités politiques se caractérisent par des pratiques autoritaires, clientélistes et néolibérales qui rappellent d’autres situations. Ainsi, la Jordanie est un cas d’étude intéressant pour contribuer aux débats sur les transformations de l’État et l’hybridation des systèmes politiques. Les recherches pourront par exemple s’intéresser au renforcement de la puissance publique dans certains secteurs, à la délégation et privatisation d’autres prérogatives traditionnellement attachées à l’État ou encore à l’articulation entre pouvoirs « locaux » et pouvoirs « centraux ».
Cadre méthodologique
Les candidats retenus formeront une équipe internationale de jeunes chercheurs pour mener une réflexion commune sur le « fait national jordanien ». Cette réflexion se structurera autour de plusieurs temps forts :
1. Un webinaire thématique porté par les membres de l’équipe de recherche en collaboration avec des chercheurs plus confirmés permettra d’approcher notre objet en multipliant les angles et les échelles d’analyse tout en portant une attention particulière à l’approche épistémologique. Les séances seront animées en français, anglais ou arabe (avec traduction simultanée) et débuteront à partir de janvier 2022. Les séances seront organisées de manière thématique et porteront une attention particulière à l’approche épistémologique. Ces regards croisés sur la Jordanie permettront de discuter de l’évolution de perceptions théoriques et épistémologiques sur cet objet.
2. Des enquêtes de terrain en Jordanie conduites par les membres de l’équipe de recherche. Ces enquêtes seront prises en charge par le programme et pourront porter sur des terrains communs ou se faire à deux observateurs pour que les questions méthodologiques puissent être échangées et travailler conjointement. Plusieurs sessions collectives de retour sur enquêtes seront organisées. L’antenne d’Amman de l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo) jouera un rôle central dans l’accueil et la coordination du programme en Jordanie.
3. Un accompagnement des jeunes chercheurs dans la rédaction d’articles scientifiques. Un atelier d’écriture collectif sera organisé à cette fin à Amman dans le but de préparer la rédaction de billets de blog pour le carnet de recherche du programme et les articles d’un numéro de revue coordonné par les jeunes chercheurs du projet et proposé à la revue de l’Institut SoMuM.
L’objectif est de structurer une équipe internationale et interdisciplinaire de jeunes chercheurs travaillant sur la Jordanie afin de renouveler la réflexion scientifique sur le pays aussi bien au niveau théorique qu’épistémologique.
Déroulement du programme
Les candidats retenus participeront aux diverses activités scientifique du programme NaJorMo soutenu par l’Institut SoMuM :
Novembre 2021 – Présentation lors d’une première journée d’étude à Aix-en-Provence (novembre 2021)
Janvier à août 2022 – Prise en charge d’une mission de terrain en Jordanie (billets d’avion A/R, visa et transit aéroport, prise en charge de l’hébergement à l’Ifpo)
Janvier à juin 2022 – Organisation et participation à une série de webinaires sur le fait national en Jordanie
Juin 2022 – Participation à un atelier d’écriture à Amman (missions prises en charge)
Publication collective : billets de blog sur le carnet de recherche Hypothèses du programme et publication d’un article dans le numéro de revue issu du programme
Modalités de candidature
Les candidats (masterants, doctorants, jeunes chercheurs) doivent envoyer une manifestation d’intérêt (5 000 signes) dans laquelle sera présenté le projet de recherche, l’intérêt scientifique de la candidature, l’ancrage dans l’un des axes du programme et l’enquête à réaliser (objet et méthode).
Les candidatures sont à envoyer avant le 30 septembre (minuit heure de Paris) aux trois adresses suivantes : norig.neveu[at]univ-amu.fr, tallabad[at]gmx.com, simon.mangon[at]hotmail.fr
Les réponses seront communiquées à la mi-octobre 2021.
Comité scientifique
Norig Neveu – IREMAM, AMU – norig.neveu[at]univ-amu.fr
Simon Mangon – Mesopolhis, AMU – simon.mangon[at]hotmail.fr
Taher Labadi – LEST, AMU – tallabad[at]gmx.com
Calendrier prévisionnel
15 août 2021 : publication de l’AAC (français, anglais, arabe)
01 septembre 2021 : ouverture du carnet hypothèse du programme
30 septembre 2021 : clôture de l’appel à candidature
15 octobre 2021 : Réponse aux candidats