L’Institut français du Proche-Orient a eu la tristesse d’apprendre le décès de Jacques Langhade, survenu le 30 mai 2021. Avec passion et engagement, Jacques Langhade a dirigé l’Institut français d’études arabes de Damas (IFEAD) de 1992 à 1996. L’IFEAD allait, en 2003, fusionner avec le Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC) et l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient (IFAPO) pour donner naissance à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo). Jacques Langhade fut également professeur à l’Université Michel de Montaigne (Bordeaux III) – comme d’ailleurs Dominique Mallet qui lui succéda à la tête de l’IFEAD -, avant de devenir directeur de la bibliothèque « La source » de Rabat au Maroc.
Spécialiste de l’histoire de la philosophie médiévale, Jacques Langhade est l’auteur de nombreux ouvrages qui contribuèrent à ancrer durablement ce domaine de recherche à l’IFEAD puis à l’Ifpo. Citons notamment Al-Fārābī: Deux ouvrages inédits sur la rhétorique: I. Kitāb al-Hatāba (1971) et Du Coran à la philosophie. La langue arabe et la formation du vocabulaire philosophique de Farabi, publié aux Presses de l’Ifpo en 1994, durant de son séjour à Damas. Jacques Langhade contribua ainsi grandement à montrer la place centrale occupée par l’œuvre de Farabi (870-950) dans le développement de la philosophie arabe médiévale, et notamment la réflexion menée par celui-ci sur le language. Rencontre des esprits, la vie de Farabi s’acheva à Damas, où se trouve encore son mausolée.
En tant que directeur de l’IFEAD, Jacques Langhade souhaita que ce dernier ne s’enferme pas dans des travaux d’érudition, et il n’eut de cesse de créer un contexte favorable dans lequel travaillèrent en harmonie tous les partenaires de l’Institut. Ouvert aux attentes de la société dans laquelle il se trouvait, il dirigea des projets de recherche autour de trois grands axes : l’histoire, prise dans un sens large englobant également l’archéologie islamique et l’Atelier du Vieux-Damas, la recherche sur la langue, la littérature et la pensée du monde arabe et islamique, et enfin l’étude du monde arabe contemporain. Les deux premiers axes demeurent centraux pour le Département des études arabes, médiévales et modernes, héritier de l’IFEAD. Jacques Langhade eut à coeur de toujours insister sur la dimension franco-syrienne de la recherche menée à l’IFEAD, comme en témoignait la présence de nombreux chercheurs et professeurs syriens dans les murs de l’Institut. Il veilla également, avec Olivier Dubois, sur l’instrument de cette recherche, la bibliothèque de l’IFEAD, ainsi que sur les publications, où oeuvrèrent notamment Jacques Picard et Lina Khanmé, toujours présente aux Presses de l’Ifpo. Enfin, l’IFEAD était déjà concerné par la formation des jeunes chercheurs, à travers le stage de formation en langue arabe en vue de la recherche. Trouvant à Damas un contexte tout à fait exceptionnel, ce stage s’y épanouit sous la houlette de professeurs de talent, notamment Suhail Chebat et Hassan Abbas qui ont nous malheureusement quittés eux aussi.
Damas fut aussi la ville où Jacques Langhade organisa en 1992 un colloque marquant les soixante -dix ans de l’IFEAD, dont les actes furent publiés dans l’ouvrage Soixante-dix ans de coopération scientifique à l’Institut français de Damas. La mémoire de Jacques Langhade nous accompagne, alors que l’IFEAD, devenu partie de l’Ifpo, s’apprête en 2022 à fêter ses 100 ans, et que l’antenne de l’Ifpo à Damas nous demeure encore si loin, et si proche.