Ne ferme pas tes yeux
L’Institut français du Proche-Orient a l’immense tristesse d’annoncer le décès du Dr. Hassan Abbas, professeur, chercheur et acteur infatigable de la société civile syrienne. Toujours, la culture fut au coeur de sa vie.
Durant près de 25 ans, Hassan Abbas fut un pilier du stage de langue arabe organisé par l’Institut à Damas d’abord, puis à Beyrouth et Amman. Après l’avoir quitté en 2016, il était revenu en 2019 une courte année, juste avant l’épidémie de Covid19, par fidélité et amitié. Professeur généreux, il tissa des liens forts avec ses étudiants, génération après génération, et les initia au théâtre, à la musique, au cinéma, à la peinture arabes en général, et syriens en particulier. C’est tout un pan des études arabes françaises qui est en deuil aujourd’hui.
Il fut aussi professeur à l’Institut des études théâtrales de Damas jusqu’en 2009, après avoir obtenu un doctorat de critique littéraire à la Sorbonne Nouvelle. Ses recherches le menèrent sur les terrains le plus divers, avec toujours comme fil conducteur la création culturelle sous toutes ses formes. Il a ainsi mené en Syrie, un projet de cartographie culturelle du Wadi Al-Nasara.
Depuis 2016, il dirigeait un programme de recherche sur la culture comme forme de résistance, à l’Institut Al-Asfari pour la société civile et la citoyenneté (American University of Beirut).
Hassan Abbas est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont La musique traditionnelle syrienne, ainsi que de traductions. Jusqu’au bout, il a répondu présent à bien des initiatives, encore récemment à des vidéos faites par le collectif Ettijahat sur la culture immatérielle syrienne.
Professeur et chercheur, deux activités qui prenaient tout leur sens dans le creuset de l’engagement de Hassan Abbas au sein de la société civile syrienne et libanaise. Co-fondateur et membre de la direction de plusieurs associations, il créa en 2012 la Ligue Syrienne de la Citoyenneté, alors que son engagement politique pour une Syrie libre et démocratique l’avait contraint à l’exil au Liban. C’est à Badaro, chez lui sur la terrasse, ou dans les locaux de la Ligue, puis à Furn al-Shebbak, que Hassan fut un inlassable soutien et une source d’inspiration pour de nombreux jeunes chercheurs, artistes et tout simplement citoyens syriens en exil comme lui. Il militait, comme il avait commencé à le faire en Syrie, pour défendre l’idée d’une citoyenneté qui seule permettrait, à terme, de poser les bases d’un Etat de droit. L’ouvrage Ne ferme pas tes yeux en rend compte, publié à la Ligue devenue aussi une maison d’édition riche aujourd’hui d’une quarantaine d’ouvrages.
Hassan Abbas meurt la veille du dixième anniversaire de la révolution syrienne, après un long exil au Liban, puis tout récemment à Dubai. Il rêvait de créer un lieu de vie culturelle ouvert à tous. Il incarnait ce lieu à lui seul.
Quelques jours avant sa mort, l’Ifpo, où il était toujours chercheur associé, a publié son dernier ouvrage, Le corps dans la littérature de guerre syrienne (Presses de l’Ifpo, 2020). Simultanément est paru un très beau livre de mélanges préparé par ses collègues et amis, Hassan Abbas, un regard moderne (éd. Faïz Sara, 2020).
Qu’il repose en paix.