Revue de presse Ville, mobilités, environnement | janvier 2021

Les villes égyptiennes face à la COVID-19

Non-respect des restrictions

Malgré les interdictions, un rassemblement de masse réunissant plusieurs milliers de personnes a eu lieu sur le pont Stanley à Alexandrie le soir du Nouvel An, faisant craindre l’apparition de nouveaux foyers de contamination. Les Cairotes ont aussi été nombreux à se réunir, notamment sur la place Talaat Harb.

Une semaine après la mise en application de l’amende de 50 livres pour les individus ne portant pas le masque dans les transports en commun, plus de 108 000 personnes ont été sanctionnées début janvier. De nombreux magasins ont dû fermer pour non-respect des protocoles sanitaires. Ce fut notamment le cas du supermarché Carrefour et d’autres magasin du centre commercial City Center à Moharram Bey à Alexandrie. Le ministère du Développement Local mène une lutte soutenue contre les cafés qui proposent encore des chichas à leurs clients alors qu’elles sont interdites depuis le mois de mars 2020.

Nouvelles mesures

L’Église copte orthodoxe a annoncé la fermeture des cimetières pour Noël – célébré le 7 janvier – afin d’éviter les visites et rassemblements en dehors des enterrements. Fin janvier, elle a décidé la reprise des messes quotidiennes dans les églises du Caire et d’Alexandrie, mais à 25 % de leurs capacités d’accueil.

Comme lors de la première vague, des campagnes de stérilisation ont eu lieu dans les quartiers centraux du Caire, autour de la place Tahrir et de la place Ramsès. Les stations de métro Ali Mansour et El Haykestep sur la ligne 3 ont aussi été stérilisées.

Ces actions sont intégrées à une campagne médiatique visant à rassurer sur la prise au sérieux de l’épidémie au moment où l’Égypte accueillait la Coupe du monde de handball, comme le montre une vidéo publiée sur Twitter. Face à l’augmentation des cas, il a été décidé que les matchs se dérouleraient finalement sans public. Il était initialement prévu que les salles accueillent des spectateurs à hauteur de 20 % de leurs capacités.

Renouvellement urbain

Relocalisations et logements sociaux

Le directeur du Fonds de développement des quartiers non-réglementaires, a déclaré début janvier que le développement de 312 secteurs considérés comme insalubres sur 357 avait été achevé en 2020. Des travaux sont actuellement en cours dans les 45 restantes.

Le Premier ministre a inspecté un projet de construction de 4 800 logements répartis dans 134 bâtiments à Salam City pour reloger les habitants des quartiers non-réglementaires. Il a inauguré un ensemble de logements sociaux à Dar el-Salam destiné au même public et s’est rendu sur le projet « Ahalina » à New Obour où 3 360 logements sont prévus. Il a également appelé à débloquer d’urgence les fonds nécessaires à la mise en œuvre du projet présidentiel « Loger tous les Égyptiens » (سكن كل المصريين). L’État désire ainsi fournir un logement aux ménages à faibles revenus. 1 392 unités de logements sociaux ont aussi été livrées à 6 Octobre fin janvier. 136 familles du quartier de Sayyeda Aicha ont été transférées dans le complexe d’Asmarat suite à la destruction de certaines habitations considérées comme non réglementaires. En outre, la dernière phase des travaux de réhabilitation des logements d’Al-Masaid à Al-Arish débutent pour un coût de 80 millions de livres. Dans cette ville, le quartier de logements sociaux de Sabil bénéficie désormais de l’éclairage public.

Nouveaux projets dans les capitales de gouvernorat

Le Premier ministre a discuté avec les présidents de la Banque Misr et de la Banque nationale d’Égypte de la participation de leur établissement à la mise en œuvre des projets de développement des capitales de gouvernorat, notamment sur des terres leur appartenant. Ces terrains leur ont été transmis en remboursement de dettes contractées par des agences gouvernementales. Les deux banques ont déjà participé au projet « Bashayer Al-Khair ».

À l’occasion de la fête du gouvernorat, un point a été fait sur les projets urbains à Assouan. Une opération d’embellissement est en cours et concerne la place de la gare et le marché touristique, où des dispositifs anti-incendie ont été installés. Un mémorial des martyrs doit être aménagé dans le jardin « Durat el-Nil », face au siège du gouvernorat. Des efforts sont aussi faits sur les réseaux d’eau potable et d’assainissement.

Développement des villes nouvelles

Le ministère du Logement a annoncé que 70 projets d’investissement sont en cours dans la Nouvelle Capitale depuis 2018. Sur l’année 2020, 16 projets y ont été mis en œuvre. Les travaux se poursuivent dans le centre d’affaires où une vingtaine de tours sont en construction pour un budget de 3 milliards de dollars. Les fondations de 8 tours sur 20 sont achevées et les façades vitrées de certaines d’entre elles ont commencé à être installées. La future tour la plus haute d’Afrique a déjà atteint les 51 étages pour une hauteur de 260 mètres sur les 400 prévus à la fin des travaux. La Chine, par le biais de l’entreprise CSCEC (China State Construction Engineering Corporation), est un partenaire central dans la mise en œuvre de ces projets. D’ici cinq mois, les employés du gouvernement devraient pouvoir commencer à travailler dans la Nouvelle Capitale. Avec ce transfert, l’imposant bâtiment du Mogamma, centre administratif du ministère de l’Intérieur situé sur la place Tahrir et dont la propriété a été transféré au Fonds souverain égyptien fin 2020, devrait être rapidement évacué et faire l’objet de projets d’investissement.

Un article d’Al-Masri al-Youm fait le point sur les travaux qu’a connu New Cairo en 2020. Des efforts ont notamment été réalisés pour gérer, absorber et évacuer les eaux de pluie.

Concernant les autres villes nouvelles, le ministre du Logement a annoncé l’attribution de 33 parcelles pour la mise en place de projets urbains intégrés. Cela concerne 14 localités dans tout le pays, notamment New Cairo, Ramadan City, 6 Octobre, New Sohag, New Damiette, Burg el-Arab, New Assiout. La ville nouvelle Mustaqbal City, située à une soixantaine de kilomètres à l’Est du Caire devrait pouvoir accueillir des habitants au premier semestre 2021. Près de 90 % des travaux d’infrastructure sont terminés. Un article d’Al-Masri al-Youm fait le point sur l’avancement des travaux et sur les projets à venir à New Alamein tandis que le Premier ministre suit le dossier de New Ismaïlia. Le ministère du Logement étudie la mise en œuvre de New Ras el-Hikma dans le gouvernorat de Matrouh. Le site offre de nouvelles possibilités d’investissement, notamment dans le secteur balnéaire avec la volonté d’en faire un pôle de l’écotourisme en Méditerranée.

Destruction des cimetières, épisode 2

De nouveaux projets d’axes routiers permettant de relier le Musée des Civilisations à l’Autostrad et à la place de Sayyeda Aisha, qui est en train d’être transformée (élimination des habitations non-réglementaires, possible remplacement du pont routier), sont à l’étude. Ils devraient mener à la destruction de certaines parties des cimetières Sud de la capitale. 2 760 tombes devraient être transférées dans la ville du 15 Mai. Le gouvernement a précisé qu’aucun monument historique ne serait endommagé, en particulier la mosquée Al-Masabah classée à l’UNESCO. Cette politique de destruction des cimetières s’inscrit dans la continuité des travaux réalisés au mois de juillet (voir Revue de presse de l’été 2020).

Autres

Le ministre du Logement a demandé la réalisation d’un guide à destination des citoyens pour leur expliquer les nouvelles procédures de demande de permis de construire.

Suite à certaines plaintes sur les réseaux sociaux, le gouvernement a nié avoir exproprié sans indemnisation des centaines de familles pour la construction du périphérique dans les gouvernorats du Grand Caire. Il a également démenti les rumeurs selon lesquelles certains immeubles patrimoniaux du centre historique de Wast el-Balad auraient été évacués afin de faciliter des investissements publics.

Transports inter- et intra-urbains

La Banque européenne d’investissement a octroyé à l’Égypte un prêt d’1 milliard d’euros pour le développement des transports au Caire et à Alexandrie. Trois projets sont concernés : à Alexandrie, la conversion de la ligne de train menant à Abu Qir en ligne de métro ainsi que le développement de la ligne de tramway El-Raml et au Caire, la réhabilitation de la ligne 2 du métro. La première phase des travaux du métro alexandrin, entre Abu Qir et Mahatat Masr, devrait débuter au plus tard en avril. Des archéologues prendront part au chantier afin d’étudier et de protéger les antiquités qui pourraient être mises au jour durant les travaux.

L’Égypte a aussi pour ambition de développer et de moderniser son réseau ferré. La plupart des wagons devraient être renouvelés et de nouvelles lignes sont prévues. Le ministre des Transports a ainsi inspecté les travaux de la ligne de train électrique reliant Salam City à la Nouvelle Capitale en passant par El-Obour, Mustaqbal City, Shorouk, New Héliopolis, Badr City et Dix de Ramadan. La ligne s’étendra sur 90 kilomètres environ et desservira 16 stations. La 1ère et la 2ème phase relient respectivement la station de métro Ali Mansour à Salam City et la Nouvelle Capitale Administrative à la station Nouvelle Capitale Administrative II. Elles seront terminées d’ici octobre 2021.

L’Égypte a également signé des accords avec la firme allemande Siemens pour développer des lignes à grande vitesse (250 km/h) dans le pays. L’objectif est de créer un véritable réseau de 1 750 km reliant les principales villes du pays grâce à 4 lignes : la première reliera Ain Sokhna à New Alamein en passant par la Nouvelle Capitale Administrative, Le Caire et Alexandrie. Elle devrait être achevée en 2023. La deuxième reliera Suez à Alexandrie, la troisième Hurghada et Safaga à Qena et à Louxor et la dernière la nouvelle ville du 6 Octobre à Louxor et à Assouan en 4 heures. Le projet devrait créer près de 15 000 emplois.

Tourisme

Difficultés liées à la crise sanitaire

Face à la crise sanitaire, une suspension temporaire d’un an de l’acceptation des demandes de création de nouvelles entreprises touristiques a été annoncée. La ministre de la Planification a en effet déclaré que le tourisme est l’un des secteurs les plus touchés par la crise actuelle. Le gouvernement tente de maintenir le secteur touristique, en jouant sur le tourisme domestique via la campagne « Mon hiver en Égypte » (شتي في مصر). Celle-ci comprend une baisse des prix des billets pour les vols intérieurs et des tickets d’entrée aux sites archéologiques de Haute-Égypte (moins 50 %) pour les citoyens égyptiens entre le 15 janvier et 28 février. Pour soutenir le secteur de l’aviation, une baisse du prix du carburant a été annoncée par le ministre du Tourisme et des Antiquités.

Mise en œuvre de nouveaux projets au Caire…

Il a été annoncé que le nouveau Grand Musée Égyptien était terminé à 97 %. Son parvis accueillera une nouvelle prouesse technique : le premier obélisque suspendu au monde. Il sera positionné sur une plate-forme soutenue par quatre piliers et sous laquelle pourront passer les touristes pour en observer la base. L’installation même de cet obélisque datant de Ramsès II est périlleuse car il faut le protéger des vibrations du trafic et de la future ligne de métro qui pourraient l’endommager.

Le projet « Cairo Eye » prévu à Zamalek a été accepté (voir Revue de presse de l’été 2020). Cette grande roue haute de 120 mètres devrait être la plus grande d’Afrique et la 5e du monde. Les travaux sont prévus pour 2022 et s’inscrivent dans le Plan de développement stratégique de l’Égypte horizon 2030. Suite à la diffusion d’une vidéo promotionnelle sur les réseaux sociaux, plusieurs critiques ont été émises, notamment par les habitants de Zamalek qui ont signé des pétitions contre le projet. Les craintes portent sur le risque de congestion des voies de circulation. Si 2,5 millions de visiteurs y sont attendus chaque année, cela fait plus de 7 000 personnes par jour. Certains s’étonnent de la nécessité d’un nouveau point de vue panoramique sur la capitale à Zamalek alors que la Tour du Caire se trouve à quelques centaines de mètres.

La ministre de la Culture est investie sur le projet de réouverture du Musée Mahmoud Khalil à Doqqi. Fermé depuis 10 ans, ce dernier présente une collection de sculptures et de tableaux, notamment d’impressionnistes européens. Il devrait rouvrir ses portes au mois d’avril, une opération qui s’inscrit dans la dynamique de développement des musées nationaux du gouvernement.

 

… et dans le reste du pays

Le ministère du Développement Local a déclaré que le projet du Chemin de la Sainte Famille serait achevé d’ici 3 mois. La première étape est déjà terminée. Elle se situe à Samanoud dans le gouvernorat de Gharbeyya.

Le ministre du Tourisme et des Antiquités a annoncé qu’en 2020, 180 bazars touristiques avaient régularisé leur statut et obtenu un permis, tout particulièrement dans les gouvernorats de la Mer Rouge.

Environnement

Nature en ville

La branche cairote du ministère de l’Environnement a annoncé que 1 000 arbres allaient être plantés dans la ville sur d’anciennes décharges dans le cadre de l’opération « Live Green ».

Des activistes des droits des animaux ont entamé une procédure judiciaire pour empêcher le gouvernement de continuer de tuer les chats et chiens errants et pour mettre fin à leur exportation vers les pays où ils sont consommés. Ils s’appuient sur l’article 45 de la Constitution égyptienne qui stipule que l’État doit empêcher la cruauté envers les animaux ; une injonction également présente dans la loi islamique. Par ailleurs, ces animaux jouent un rôle de régulateur des écosystèmes urbains en mangeant certains nuisibles (serpents, rongeurs). Dans le même temps, la Fédération égyptienne des associations de protection des animaux a lancé une campagne de vaccination et de stérilisation des chiens errants à Cheikh Zayed. À Safaga et à Hurghada, face à la recrudescence des chiens errants qui gênent notamment les touristes, le gouvernorat de la Mer Rouge offre une récompense de 20 livres pour chaque animal capturé et remis à un vétérinaire afin, là aussi, de les stériliser. Une campagne de stérilisation a aussi lieu à Assouan. Le syndicat des vétérinaires de Beni Suef indique que 4 390 chiens auraient été abattus par balle ou par empoisonnement au sulfate de strychnine sur les quatre derniers mois. Le grand mufti d’Égypte a pour sa part rappelé que les musulmans seraient récompensés pour avoir nourri les créatures de Dieu et notamment les chiens errants.

Pour une meilleure gestion des déchets solides

Yasmine Fouad, ministre de l’Environnement, s’est rendue sur le site de nouvelles décharges au Caire. Elle a également annoncé que le nombre d’usines de recyclage des déchets électroniques dans le pays était passé à 7. Une usine de recyclage des déchets solides est ainsi mise en service dans le gouvernorat de Menoufeyya à Shebin al-Kom. Sur le terrain, 15 tonnes de déchets ont été retirées du centre-ville d’Alexandrie, 20 tonnes de la ville d’Esna et des campagnes de nettoyages ont été menées dans les centres-villes du gouvernorat de Kafr el-Cheikh, notamment à Baltim en prévision de la saison estivale.

Pollution de l’air et secteur des transports

La ministre de l’Environnement s’est félicitée des mesures prises ces dernières années pour limiter le phénomène de nuage noir (voir Revue de presse d’octobre 2020). L’action du gouvernement aurait évité la propagation de 25 000 tonnes de polluants dans l’air. Elle a expliqué que les principaux responsables de la pollution de l’air sont en fait les secteurs de l’énergie et des transports. Ces derniers représentent 23 % des émissions de particules. Les gouvernorats du Caire, de Giza et de la Qalioubeyya sont les plus touchés et sont donc jugés prioritaires pour la mise en œuvre de mesures environnementales. La ministre estime également le coût annuel de la dégradation de l’environnement à cause de la pollution à 47 milliards de livres, d’où la nécessité d’une transition écologique, en particulier dans le domaine des transports. Le ministre du Développement Local a ainsi présenté un plan pour convertir 2 300 bus publics au gaz naturel d’ici 5 ans au Caire et à Alexandrie. L’opération devrait coûter 1,2 milliards de livres. Des négociations sont par ailleurs en cours auprès de la Banque mondiale depuis juillet 2020 pour obtenir un prêt de 200 millions de dollars afin de lutter contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air dans la région du Grand Caire.

Florian Bonnefoi