Revue de presse Gouvernance et politiques publiques | décembre 2020

2nde vague du Coronavirus – suite

Nouvelles mesures

Alors que le taux de contamination quotidien a atteint son seuil le plus haut depuis près de cinq mois (1 189 contaminations le 27 décembre), des décisions ont été prises fin décembre pour tenter de contrer l’expansion de la seconde vague du Coronavirus en Égypte. Les festivités de fin d’année sont interdites, ainsi que les mariages et enterrements dans des lieux clos. Des contraventions de 50 EGP seront données à ceux qui ne portent pas de masque dans les espaces publics à partir du 3 janvier. Le Premier Ministre Madbouly a également affirmé que des vérifications seraient effectuées pour s’assurer que les cafés et restaurants n’accueillent pas au-delà de 50% de leur capacité, auquel cas des contraventions de 4 000 EGP seront dressées.

D’autres chiffres

Le nombre de personnes mortes du Coronavirus depuis le début de la pandémie en Égypte pourrait être bien plus élevé que ne le laissent penser les chiffres officiels. Le CAPMAS a révélé que le taux de mortalité des mois de mai, juin et juillet (au plus fort de la 1ère vague en Égypte) s’élevait à 60 000 morts supplémentaires par rapport aux taux enregistrés ces cinq dernières années. Si elles n’ont peut-être pas toutes été directement causées par le virus, ces morts peuvent être attribuées aux conséquences de la pandémie :  réduction de l’accès aux soins des patients souffrant d’autres maladies chroniques ou peur d’aller à l’hôpital.

Par ailleurs, un membre du Comité Scientifique pour Combattre le Coronavirus a estimé que le nombre de personnes infectées par le virus en Égypte serait au moins 10 fois plus élevé que ce qui a été annoncé par le ministère de la Santé. Vers la fin décembre, les chiffres officiels indiquaient un total de 126 273 cas et 7 130 décès depuis le début de la pandémie.

Et le(s) vaccin(s) ?

Malgré les réserves exprimées par de nombreux médecins, le vaccin Sinopharm a été finalement approuvé fin décembre pour être utilisé en Égypte pour des situations d’urgence, après des essais menés sur 3 000 volontaires égyptiens. Les Émirats Arabes Unis ont commencé à utiliser ce vaccin depuis septembre et avant la fin des tests, pour le personnel médical, et affirment que le vaccin est efficace à 86%.

Son administration en Égypte, gratuite, devrait commencer début janvier, et vise en priorité les médecins des hôpitaux d’isolement et les hôpitaux de fièvre, ainsi que les personnes considérées à risque (âgées ou ayant des maladies chroniques). 50 000 doses de ce vaccin ont été données à l’Égypte par les Émirats Arabes Unis, et un demi-million de doses en provenance de la Chine sont en attente de réception. Un site internet devrait être lancé prochainement pour que les patients qui souhaitent recevoir le vaccin puissent enregistrer leur demande.

L’Égypte a également réservé des doses du vaccin Pfizer qui devraient couvrir les besoins de 20% de la population d’après la Ministre de la Santé. 30 % de la population devraient être couverts par le vaccin Astra-Zeneca-Oxford développé en Grande-Bretagne. La Russie avait également annoncé en septembre qu’elle fournirait 25 000 doses de son futur vaccin.

Par ailleurs, la nouvelle loi sur les essais cliniques, adoptée en août dernier, a été ratifiée fin décembre par le Président al-Sissi. Mi-décembre, la Ministre de la Santé Hala Zayed s’est rendue aux Émirats Arabes Unis pour discuter du lancement d’une production égyptienne du vaccin Sinopharm, probablement par l’entreprise Vacsera. D’autres discussions sont en cours pour lancer le développement local de vaccins contre le Coronavirus, et des essais cliniques pour le développement d’un vaccin égyptien devraient bientôt débuter.

Une loi a également été votée début décembre pour la régulation et l’unification du don de sang pour les traitements au plasma.

Élections parlementaires – fin

Sans surprise, la majorité des 100 derniers sièges en jeu lors du second tour de la seconde phase de l’élection parlementaire ont été remportés par des candidats du Parti du Futur de la Nation. La Coalition Nationale, dominée par ce dernier, avait d’emblée remporté l’ensemble des 284 sièges parlementaires sur liste au premier tour. Au total, le Parti du Futur de la Nation a dès à présent remporté 315 des 568 sièges en compétition (un siège à Minia doit encore être pourvu). Le Président al-Sissi devrait publier un décret prochainement pour annoncer le nom des 28 députés qu’il aura nommés, ce qui conduira le nombre total de députés à 596.

Le député d’opposition Ahmed Tantawy, qui n’a finalement pas été réélu à l’issue de ce scrutin, a affirmé dans une vidéo l’existence de fraudes dans le décompte des voix. Ces allégations ont été partagés par d’autres candidats, comme lors du premier tour, et certains ont soumis des recours à la Cour Suprême.

D’après plusieurs députés, figurent parmi les priorités du Parlement en 2021 un projet de loi régulant l’irrigation et la mise en valeur des terres d’État, et des projets de lois sur l’administration locale, les anciens loyers et les procédures pénales. D’après Mada Masr, Ali Abdel Aal a de grandes chances d’être réélu Président du Parlement.

Par ailleurs, au moins trois députés fraichement élus sont décédés du Coronavirus avant d’avoir pu prendre leurs fonctions. De nouvelles élections auront donc lieu pour les sièges de Hassan Eid, candidat individuel pour le Parti du Futur de la Nation qui avait été élu Suez, et de Gamal Haggag, candidat individuel pour le Parti républicain du peuple qui avait été élu à Benha, dans le gouvernorat de Qalyubiya. Fawzi Fata, qui avait été réélu sur la liste de la Coalition Nationale à Aga, dans le gouvernorat de Dakahlia, sera remplacé par sa fille.

Mobilisations ouvrières

Les employés de l’entreprise de Filature et de Tissage Égyptienne à Kafr al-Dawwar ont protesté contre des plans de démolition de l’usine, en organisant un sit-in. Un nouveau site devrait être désigné pour construire l’usine, tandis que les terres de l’usine actuelle seront remises aux ingénieries des Forces armées pour qu’elles développent la zone. Les travailleurs de Delta Fertilizers ont aussi organisé des sit-in pour protester contre la délocalisation d’une branche de la compagnie de Daqahlia à Suez. La décision finale sur le sort de cette filiale devait être rendue fin décembre.

Après un sit-in de plus d’une semaine qui a vu plus de 3 000 travailleurs de l’Alexandria Containers and General Cargo Handling Company protester contre la baisse de leur salaire, le ministre des Entreprises publiques, Hisham Tawfiq, a finalement accepté d’accorder des primes annuelles équivalant à 18 mois du salaire de base, d’après Mada Masr. Tout ceci survient dans un contexte de réforme du secteur public.

Mœurs et violences sexuelles

Plusieurs témoignages anonymes, révélés sur le blog Daftar Hekayat qui publie des témoignages de personnes ayant subies des violences sexuelles, ont accusé un militant des droits de l’homme d’agressions sexuelles, le désignant sous les initiales « W.A ». Wael Abbas a répondu à ses accusations sur sa page Facebook en récusant les soupçons qui pesaient sur lui.

Dans un contexte de dénonciation des agressions sexuelles, ce blog a commencé à publier plusieurs témoignages cet été, visant notamment le journaliste Hisham Allam ainsi que le réalisateur Islam El Azzazi. Les accusations contre ce dernier ont surgi alors que son film « About Her » était présenté lors de la dernière édition du Festival du Caire. L’organisation du Festival a annulé la conférence de presse qui devait se tenir après le film et s’est par ailleurs engagée à retirer le film de la compétition internationale si les allégations étaient confirmées.

Ahmed Bassem Zaki, accusé par plus de 80 femmes d’agression sexuelle et de harcèlement, a été condamné le 29 décembre à 3 ans de prison.

En attendant, les témoins de l’affaire du Fairmont sont toujours détenus. Une campagne a été lancée sur les réseaux sociaux appelant à la libération de l’une d’entre eux, Nazli Karim, ex-femme de l’un des accusés qui serait dans un état psychologique inquiétant.

Pression sur les aides  

Parmi les 1,3 milliards de dollars d’aide militaire pour l’Egypte qui ont été votées fin décembre par le Congrès américain (dans le cadre d’un projet d’aide à la reprise économique post-pandémie), 75 millions seraient conditionnés à la « libération de prisonniers politiques et à l’octroi aux détenus d’une procédure légale régulière ». 225 millions de dollars sont également conditionnés à des facteurs liés aux droits de l’homme et à la démocratie.

Ceci s’est produit après que le Parlement européen ait voté une résolution appelant à prendre des mesures urgentes concernant la situation des droits de l’homme en Égypte, ce qui pourrait notamment mener au retrait de 82 millions d’euros d’aide à l’Égypte. « La situation des droits de l’homme en Égypte a continué à se détériorer alors que les autorités intensifient leur répression contre la société civile, les défenseurs des droits de l’homme, les travailleurs de la santé, les journalistes, les membres de l’opposition, les universitaires et les avocats », indique le Parlement dans le document. Le Parlement européen a notamment exhorté l’Égypte à coopérer pleinement avec les autorités judiciaires dans l’enquête sur la mort de Giulio Regini. Néanmoins, en visite en France début décembre, Abdel Fattah Al-Sissi s’est vu décerner la légion d’honneur par Emmanuel Macron.