Appel à contributions au dossier thématique de Arabian Humanities
Réappropriations plurielles des modes d’identification à la nation dans la péninsule Arabique contemporaine.
Coordinatrices : Anahi Alviso-Marino (CESSP/CRAPUL) et Marine Poirier (IREMAM/Sciences Po Aix)
Les propositions d’article, en anglais ou en français, doivent être envoyées avant le 15 septembre 2016 aux coordinatrices Anahi Alviso-Marino (anahialvisomar@gmail.com) et Marine Poirier (poiriermarine@gmail.com) ainsi qu’à Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).
D’une longueur de une à deux pages, les propositions devront inclure :
– le titre de l’article,
– une présentation du matériau empirique et des méthodes mobilisées,
– toutes les données nécessaires à l’identification de l’auteur : nom, affiliation institutionnelle, adresse professionnelle, téléphone et e-mail.
Après acceptation, notifiée aux auteurs courant septembre, la date limite de soumission des articles est fixée au 15 janvier 2017.
Il est demandé aux auteurs de respecter les normes de publication de Arabian Humanities.
Elles sont exposées dans la note aux contributeurs, disponibles ici ou bien en contactant la secrétaire de rédaction Sylvaine Giraud (edition@cefas.com.ye).
Ce dossier thématique porte sur les transformations et les recompositions des formes d’identification à la nation dans une région caractérisée par les mobilités et les circulations transnationales, et au cours d’une période, de la guerre du Golfe à aujourd’hui, où ces dynamiques s’intensifient et brouillent, ou au contraire exacerbent, les sentiments d’appartenance.
Plutôt que d’interroger la notion d’identité, on cherchera à problématiser et conceptualiser celle, souvent « insaisissable » (Martin, 1994), d’identification. Dans la lignée des travaux de Rogers Brubaker et Frederick Cooper, on propose ainsi d’examiner l’artefact culturel que constitue le nationalisme (Anderson, 1983), en réfléchissant aux relations sociales, affinités et sentiments d’appartenance qui sous-tendent l’inscription dans un groupe ou une communauté (Brubaker, Cooper, 2000 : 19-21). On s’intéressera donc aux articulations entre réseaux de sociabilité et identités catégorielles, en observant comment les relations sociales affectent le sens et les formes d’identification à un groupe (Tilly, 1978).
A travers l’observation fine des processus de construction des nationalismes officiels et non officiels, on se penchera sur des acteurs sociaux qui se situent entre la réalisation plus ou moins consciente de « produits culturels du nationalisme » inspirés par des idées patriotiques et la production de produits nationalistes officiels commandés directement par l’État ou « official artefacts » (Anderson, 1983). Ces formes de politisation d’objets et d’acteurs n’étant pas toujours volontaires ou conscientes, on s’attachera à interroger, à la suite de Lisa Wedeen, les dynamiques en jeu dans la production de « sujets nationaux ». Comment les discours nationalistes participent-ils à forger des individus « qui endossent (consciemment ou non, avec ferveur ou modération) leurs rôles de citoyens, de patriotes ou de simples membres d’un État nation » (Wedeen, 2008 : 64) ? Ces discours, ainsi que les acteurs qui les produisent ou les divers supports à travers lesquels ils peuvent se communiquer et se partager, nous
intéresseront en tant qu’expression « d’idiomes de connexion affective nationale » (Wedeen, 2008 : 23). En ce sens, on retiendra les propositions d’article qui traitent de la problématique du nationalisme à travers l’étude d’objets, d’acteurs, de pratiques et de discours qui produisent des formes plurielles (orthodoxes ou hétérodoxes, dominantes ou marginales) d’identification à la nation.
Sans pour autant faire du nationalisme leur objet d’étude, nombre de travaux portant sur la péninsule Arabique ont déjà abordé ces questions en donnant à voir le politique « ailleurs » ou « autrement ». On pense ici aux enquêtes menées auprès de comédiens (Hennessey, 2014), de musiciens (Sebiane, 2007), d’artistes plasticiens (Alviso-Marino, 2015), de joyriders (Menoret, 2014) ou de citoyens « au quotidien » (Wedeen, 2008), qui questionnent de manière plus ou moins assumée l’ambivalence des rapports au politique. Dans cette perspective, on pourra par exemple explorer les formes variées de l’appartenance au groupe et à l’imaginaire national en se penchant sur les processus de construction étatique (Valéri, 2013) et plus généralement la formation de communautés politiques (Beaugrand, 2007 ; Louër, 2014), leur matérialisation dans l’espace urbain (Beaugrand, Le Renard, Stadnicki, 2013 ; Al-Nakib, 2016 ; Fuccaro, 2009 ; Kanna, 2011), dans les sociabilités et les modes de consommation (Assaf, 2013 ; Le Renard, 2014) ou encore dans les rapports au travail (Planel, 2008). On s’attachera alors à interroger les circulations transnationales et les hybridités identitaires, ainsi que les contraintes et les frontières qui encadrent les mobilités humaines, économiques et sociales dans la péninsule Arabique (Bonnefoy, 2011 ; Gruntz, 2012 ; Moghadam, 2013). Les articles pourront également traiter des enjeux liés à la production des identités et de l’histoire (Mermier, 1999 ; Lambert, 2008 ; Honvault, 2008) et des reformulations concurrentes de l’imaginaire national lors d’épisodes de crise, de conflit ou de guerre (Grabundzija, 2015 ; Shehabi, Jones, 2015). Sans être exhaustifs dans ces exemples et approches, on invite donc les auteurs à examiner les conditions dans lesquelles s’opère la formation de subjectivités nationales distinctes et variables (Vitalis, 2006 ;
Chevalier, Martignon, Schiettecatte, 2008).
On adoptera une démarche qui privilégiera l’observation « par le bas» (Bayart, Mbembe, Toulabor, 2008) de micro évènements (Ginzburg, 1980) et d’ « objets politiques non identifiés » (Martin, 2002). Il s’agira de repenser l’étude du nationalisme au travers d’objets de recherche originaux au sens où ils permettent d’appréhender les rapports que les individus entretiennent avec la nation comme institution “imaginée” et matérialisée. En proposant de nouveaux récits voire counter-narratives (al-Rasheed, Vitalis, 2004), les travaux réunis dans ce dossier participeront ainsi à lever « l’illusion identitaire » (Bayart, 1996) et interroger la fabrique de la « tradition » (Hobsbawm, Ranger, 1963).
Ce numéro s’adresse ainsi aux historiens, anthropologues, sociologues, linguistes, économistes, géographes et politistes, et s’ouvre particulièrement aux approches privilégiant des objets peu explorés au sein de ces disciplines. Les contributions s’appuyant sur un matériau empirique riche seront particulièrement appréciées (iconographie, archives, ethnographie, etc.).